Groupe Ecart
19 novembre 1969 International
© Archives Ecart, Genève
« Le problème, c’est que je n’aime pas la routine des galeries, des collectionneurs, des foires d’art – je veux rester au dehors de cette situation – je veux travailler seulement avec les amis […] qui [ont] mes mêmes problèmes […] », écrit l’Italien Maurizzio Nannucci à John M Armleder le 6 février 1977. À l’instar d’Ecart, l’espace alternatif qu’il a fondé à Florence, Zona, s’attache à montrer des positions d’artistes qui s’opposent au circuit de l’art officiel. Ce système parallèle, fondé sur des amitiés et des affinités artistiques, se caractérise par une forte volonté autonomiste de la part des artistes impliqués. Si, en 1969, Ecart utilise dans un programme-manifeste des termes tels que « divergence », « digression » et, bien entendu, « écart », d’autres artistes inventent de nouvelles notions qu’ils jugent plus à même de définir la direction dans laquelle s’inscrit leur travail. C’est le cas, notamment, de Dick Higgins – dont l’idée d’« Intermedia » est bien connue, et qui introduit dans le document reproduit ici le concept de « post-cognitive ». Ou encore du Japonais Yutaka Matsuzawa, qui développe pour sa part la notion de « Pan-Conceptual ». Quant à Genesis P-Orridge et Ben Vautier, ils optent pour des formulations plus singulières.
Autant d’exemples trouvés au hasard des recherches dans les Archives Ecart, qui démontrent à quel point les artistes issus du milieu alternatif, durant les années 1970, voulaient non seulement contrôler les conditions de monstration de leur travail, mais aussi le vocabulaire associé à leur réception critique. Parallèlement à ces recherches personnelles, se mettent en place d’autres initiatives – plus ou moins efficaces – de regroupements au sein d’organisations plus larges et portées par la force du collectif. Epaulé par Ecart, l’artiste franco-canadien Hervé Fischer crée par exemple en en 1976 l’« International Institutions Register » dont l’objectif est de dresser la liste des « contre-institutions fondées à l’initiative d’artistes », projet qui n’a jamais abouti. Ken Friedman et Peter Frank, pour leur part, souhaitent documenter la mouvance post-Fluxus – dans laquelle s’inscrit également le groupe Ecart – tandis que le collectif argentin cayc ambitionne de créer un centre de documentation sur l’art.
C’est dire à quel point l’art informel a à cœur d’établir lui-même les termes de ses conditions d’existence. Un exercice de politique formelle qui perdurera jusqu’à la fin de l’existence d’Ecart, au début des années 1980, et dont les nombreuses ramifications sont encore à dénombrer.