Edgardo Antonio Vigo et le mail art

Edgardo Antonio Vigo

04 juillet 1976
La Plata, Argentine

© Archives Ecart, Genève

Lettre d'Antonio Vigo à John Armleder, 22 novembre 1974
Enveloppe d'Antonio Vigo, 22 novembre 1974
Lettre d'Antonio Vigo à John Armleder, 12 septembre 1975
Enveloppe d'Antonio Vigo, 12 septembre 1975
MAILARTWORK en quatre parties d'Antonio Vigo, instructions, 7 juin 1976
MAILARTWORK en quatre parties d'Antonio Vigo, multiple no 2, 4 juillet 1976
Article d'Antonio Vigo pour la publication "Art et Communication marginale. tampons d'artistes vol. 2" d'Hervé Fischer et du groupe Ecart

Elisabeth Jobin

Né en 1928 à La Plata, à quelques kilomètres de Buenos Aires, Edgardo Antonio Vigo (décédé en 1997) a grandement contribué à faire de l’Argentine, alors sous dictature, un point de chute du phénomène international du mail art. L’art par correspondance, fondé sur un système d’échange d’œuvres et d’idées par le biais du réseau postal, a en effet permis à de nombreux artistes établis dans des pays répressifs de contourner la censure et de continuer à communiquer à distance avec le reste du monde. Les lettres que Vigo a échangées avec John Armleder témoignent de l’étendue de ce réseau alternatif, ainsi que de la richesse du carnet d’adresses de la galerie Ecart.

Les lettres d’Edgardo Antonio Vigo conservées dans les archives Ecart gardent la marque de son militantisme : l’artiste argentin s’est montré très critique envers la politique étrangère des États-Unis notamment, qu’il accusait de cautionner les dictatures sud-américaines pour des raisons économiques. Il subit pleinement les conséquences de ses idées lorsque, en 1976, le régime argentin fait « disparaître » son fils Palomo. Pour autant, Vigo poursuit son activité artistique. Il confectionne des œuvres et des multiples intimistes, faits à la main, comme autant de poèmes visuels, qu’il expédie aux quatre coins du monde. Comme beaucoup d’artistes du réseau alternatif de l’art par correspondance, il fait également usage de tampons, dont il décore ses lettres et ses enveloppes.

« Le mail art nous permettait de travailler avec des pays sous dictature, communistes ou militaires », nous confiait en 2017 Hervé Fischer, artiste franco-canadien, qui contribua grandement à faire connaître le mail art et la pratique du tampon d’artiste dès les années 1970. « Et en utilisant des tampons d’artistes, on parodiait la bureaucratie militaire ou communiste, ce qui en faisait une démarche critique. Lorsqu’on confectionne un tampon pour dire « il pleut », ou « je t’aime », c’est évident qu’on se rit de l’autorité. » Vigo en était pleinement conscient. Dans l’essai que l’artiste argentin rédige en 1975 en introduction du livre Art et communication marginale. Tampon d’artistes, vol. 2, que préparait alors le groupe Ecart avec Hervé Fischer, il note ainsi que le mail art offre une importante liberté d’expression à l’artiste, « car la circulation [de l’art et des idées] s’y fait par des canaux non traditionnels, loin de l’appareil organisé de répression et de censure » mis en place par l’État.